Le vote noir

Le vote noir est l’inverse du vote blanc.

Avec le vote noir, lors d’une élection parlementaire, la part des sièges correspondant au taux d’abstention sera tirés au sort de façon représentative parmi la population.

Halte au vol de voix

En Suisse, qui se veut pourtant un modèle de démocratie, aux dernières élections fédérales, les partis se sont distribués les 135 sièges sur 2461 correspondant aux 55% de Suisses qui n’ont pas voté. Cette majorité de sièges est aujourd’hui occupée par des gens qui ne représentent personne, et qui pourtant décident de l’avenir de toute la population.

Cela constitue un vol de voix, et cela doit cesser.

Si une majorité des Suisses s’est abstenue, ce n’est ni par paresse, ni par ignorance. Ils n’ont simplement pas souhaité choisir parmi des partis qui ne les représentent pas, et qui se complaisent à n’intéresser qu’une minorité de la population.

Urgence démocratique

À l’aube des profonds changements qui nous attendent, il est crucial que l’entier de la population soit représentée pour que les transformations nécessaires puissent être organisées de façon consentie et dans la paix.

Sans cela, les intérêts et les positions de la part non représentée de la population seront systématiquement minorés, conduisant à une défiance grandissante entre le peuple et le pouvoir. C’est ce qui s’observe déjà, en Suisse et ailleurs. Une taxe inégalitaire sur les carburants a conduit au mouvement des gilets jaunes en France, les contraintes liées au COVID ont mené à des tensions inédites qui ont fracturé la société dans de nombreux pays. À chaque fois, le pouvoir a imposé son projet par la force, réduisant d’autant la légitimité qui lui reste.

Comment cela se passera-t-il le jour où il faudra rationner le carburant, l’eau ou l’électricité à cause du dérèglement climatique ou de tensions géopolitiques ?

Le vote noir amènera à siéger des personnes en dehors des circuits du pouvoir traditionnel. L’écrasante majorité de la population n’a pas accès à des financements privés anonymes, ne siège pas dans des conseils d’administration ou n’a pas une fortune personnelle lui permettant d’assurer sa publicité.

Sans oublier les partis !

Les partis politiques jouent un rôle majeur dans la société. Ils produisent des projets politiques, animent le débat public, garantissent une continuité et des repères politiques, et pour certains, participent même à la formation politique de la population.

Une part importante de la population y trouve d’ailleurs son compte, et leur délègue régulièrement leur voix lors des élections. Pour ces personnes, c’est simple, rien ne changera, ils continueront à voter pour leurs représentants actuels. En fait, avec le système du vote noir, l’utilité des partis sera même renforcée, puisque avec la présence de représentants non affiliés, les débats parlementaires redeviendront l’occasion d’argumenter pour convaincre.

Il faut simplement admettre que les partis ne couvrent pas l’intégralité du champ politique possible, et qu’ils sont devenus davantage le terrain d’expression des lobbies que celui de la population. On ne peut pas attendre de tout le monde d’adhérer à des traditions politiques ou d’accepter de résumer son opinion à une couleur. Et on ne peut surtout pas attendre des lobbies de changer un système qui les favorise au détriment de l’intérêt général.

Un exemple pour le monde

En adoptant le vote noir, alors que la démocratie est menacée un peu partout dans le monde, nous montrerons une voie alternative pour préparer un avenir hors du populisme et de l’autoritarisme pour nous et pour nos enfants.

Cette idée est ancienne et a fait ses preuves dès la démocratie athénienne, où le tirage au sort était utilisé pour confier aux citoyens, riches comme pauvres, les tâches politiques les plus importantes.

Un citoyen tiré a-t-il vraiment les compétences pour siéger ?

Oui, en démocratie, un simple citoyen est absolument compétent pour être un représentant. Les députés élus sont avant tout des simples citoyens. Ils n’ont pas nécessairement de connaissance approfondie des domaines sur lesquels ils votent, et peuvent demander des auditions d’experts lorsque cela leur est utile. En outre, avant de siéger et de travailler sur une thématique, par exemple en commission parlementaire, les personnes tirées au sort recevront une formation publique, données par des experts indépendants et reconnus du domaine.

Pour les aspects de procédure et les questions techniques, chaque député est accompagné d’un assistant parlementaire de son choix ainsi que de l’appui permanent du service du parlement.

Notons encore que la principale responsabilité d’un député est de voter les lois, et que tous n’ont pas besoin d’avoir la même force de proposition ou la même présence dans les débats. C’est déjà aujourd’hui le système mis en place avec les commissions spécialisées.

Quels effets peut-on attendre du vote noir ?

L’adoption du vote-noir aura de nombreux effets bénéfiques.

Les principaux effets seront directement liés à la meilleure représentativité du parlement. On constatera que les décisions du parlement prennent mieux en compte la diversité des intérêts présents dans la société, y compris ceux des petites gens.

Les débats à l’assemblée gagneront en qualité, puisqu’il s’agira pour les orateurs de convaincre les représentants non encartés, qui pour une bonne part n’auront pas d’opinion arrêtée à priori. Les arguments devront donc être convaincants, clairs et basés sur des faits, au lieu des habituels discours qui ne font que répéter des positions déjà connues et qui s’adressent avant tout à une base politique déjà convaincue.

La tentation clientèliste pour les partis se réduira, puisque avec le vote noir, s’abstenir lors d’éléctions deviendra une véritable option politique. Il ne sera donc plus nécessaire pour les personnes souhaitant marquer un désaccord d’opter pour un vote contestataire.

Pourquoi faudrait-il prendre en compte les abstentionnistes, qui ne prennent même pas la peine de voter ?

Il n’est pas rare d’entendre des remarques teintées de mépris à l’adresse des abstentionnistes, qui seraient des paresseux, des égoïstes, ou des nihilistes. C’est simplement faux. À titre d’exemple, les Suisses recyclent le verre à 94%2, ce qui demande largement plus d’effort que de remplir un bulletin d’élection, et qui ne s’explique que par un intérêt pour l’avenir et un sens des responsabilités.

Contrairement à ce que l’on imagine, une part importante des abstentionnistes s’intéressent à la politique. L’abstention est avant tout la responsabilité de la classe politique, qui ne convainc pas les électeurs. Et ce n’est pas un phénomène nouveau, pourtant, hormis quelques voeux pieux, rien de sérieux n’est jamais entrepris pour lutter contre. Cela s’explique simplement ! La classe politique a tout à y gagner, puisqu’elle continue d’obtenir les sièges de ceux qui s’abstiennent.

Comment se passe le tirage au sort ?

Le tirage au sort des sièges non attribués devra permettre d’assigner les sièges de façon représentative de la population. Toute personne qui a le droit de vote est éligible à être tirée au sort.

Des techniques mathématiques bien connues et robustes existent pour opérer ce genre de tirage au sort. Elles prennent en compte les refus et permettent de créer une sélection objectivement représentative. Même la définition des critères de représentativité peut se faire de façon consensuelle car plus les critères sont nombreux, plus l’échantillon est représentatif. Parmi les critères, on peut citer l’âge, le genre, le lieu d’habitation, le lieu d’origine, le niveau de revenu, le niveau d’études, les langues parlées, le domaine d’activité, etc.

Ces techniques sont déjà utilisées en Suisse et ailleurs, par exemple pour les sondages, la constitution de jurys ou dans les assemblées citoyennes. En fait, un parlement constitué de cette façon sera nettement plus représentatif qu’un parlement élu.

Si je suis tiré au sort, pourrai-je refuser ?

Bien entendu. Le fait d’être tiré au sort n’implique aucune obligation. De la même manière que les élus, les tirés au sort pourront même démissionner en cours de mandat. Dans de tels cas, le processus de tirage au sort permet de trouver une autre personne assurant la représentativité de l’échantillon.

Il faut toutefois noter qu’en plus de la satisfaction dont les tirés au sort lors d’assemblées citoyennes témoignent régulièrement, ceux-ci bénéficient d’une compensation financière attractive3, et qu’un nombre conséquent d’entre eux continuent leur activité professionnelle en parallèle.

À la manière de l’assurance maternité ou du service militaire, l’employeur du tiré au sort sera tenu d’accepter les absences pour cette mission de représentation.

Comment éviter la corruption des tirés au sort ?

Il sera très important de protéger les tirés au sort de toute influence, de telle sorte qu’ils défendent réellement l’intérêt des personnes qu’ils représentent. Pour ce faire, les tirés au sort bénéficieront d’une formation avant leur entrée en fonction, leur permettant d’identifier clairement les influences auxquels ils risquent d’être confrontés afin de pouvoir les détecter et le cas échéant les dénoncer. La formation insistera également sur les peines encourues, tant pour corruption active que pour corruption passive.

On notera au passage que les partis en tant que tels sont structurellement sous influence de ceux qui les financent, et ce dans une très grande opacité souvent dénoncée. Les tirés au sort, hors de toute structure partisane devant être financée, et libérés du besoin de moyens pour faire campagne, seront en toute probabilité nettement moins corrompus et peut-être même les mieux placés pour mettre en place les mesures anticorruption nécessaires à un meilleur fonctionnement de notre démocratie.

Y aura-t-il une différence entre un député élu et un député tiré au sort ?

Non, les députés élus et les tirés au sort auront exactement les mêmes prérogatives. Il sera clairement établi que la légitimité d’un élu et d’un tiré au sort est la même, puisque statistiquement ils représenteront le même nombre de personnes. Le règlement de l’assemblée interdira formellement de remettre en cause la légitimité des tirés au sort.

La durée du mandat est la même, et rien n’interdit au tiré au sort qui aurait brillé de se présenter en tant que candidats indépendants ou affilié à un parti pour l’élection suivante.

À quel niveau allez-vous proposer le vote noir ?

Nous souhaitons dans un premier temps proposer le vote noir directement au niveau fédéral, bien qu’il soit ensuite possible de décliner l’idée à des échelles plus locales (canton, commune).

Commencer par le niveau fédéral est de toute façon une nécessité, puisque l’introduction de modifications dans le mode de scrutin doit passer par une modification de la constitution fédérale.

Est-ce un projet radical porté par des extrémistes ?

Non, ce n’est pas un projet radical. Il s’agit d’un projet démocratique, qui vise à améliorer notre démocratie, non pas à la renverser. On ne peut pas placer ce projet à gauche ou à droite. Toute personne qui pense que le mot démocratie a un sens peut soutenir ce projet sans se compromettre.

L’idée de tirer au sort l’assemblée qui représente le peuple n’est pas nouvelle. Elle se retrouve à l’origine même au coeur de la démocratie athénienne, et plusieurs expériences ont même eu lieu en Suisse4.

Avec les taux d’absention que nous connaissons aujourd’hui, l’introduction du vote noir ne remplacerait qu’environ la moitié des représentants. Ceux-ci étant par définition de profils variés, on peut s’attendre à ce que l’équilibre politique ne change pas profondément pour la plupart des sujets.

C’est une bonne idée, quelles sont les prochaines étapes ?

Nous allons d’abord recueillir des propositions pour affiner ce projet et le concrétiser ensemble. D’ici quelques mois, nous nous attèlerons à la rédaction d’un texte pour le dépôt d’une initiative fédérale.

L’objectif est d’avoir une loi en vigueur pour que le vote noir soit reconnu au niveau fédéral pour les élections fédérales de 2027.

Parallèlement, nous encouragerons et soutiendrons toute initiative à d’autres niveaux, ainsi que dans d’autres pays, qui iraient dans le sens de la reconnaissance du vote noir.

Qui est à l’origine de ce site internet ?

Nous sommes un collectif de citoyens inquiets pour l’avenir de la démocratie en Suisse et qui souhaite faire évoluer le système actuel vers plus de représentativité.

Comment participer ?

Si l’idée vous convainc, vous pouvez participer de nombreuses façons:

Comment vous contacter ?

Pour toute question, contribution, contactez-nous à l’adresse contact@vote-noir.ch.

1 246 soit 200 au Conseil National et 46 au Conseil des États

2 https://www.swissrecycling.ch/fr/substances-valorisables-savoir/chiffres-indicateurs-et-taux

3 https://www.blick.ch/fr/news/suisse/salaire-jetons-de-presence-ag-gratuit-voici-ce-que-gagnent-les-elus-federaux-id18367036.html

4 https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_A4F1BFE21F71.P001/REF.pdf